19 avr. 2016

De la laideur contemporaine











         "Cher lecteur,

Dans ce monde, il existe deux formes d'Art: l'art beau et l'art moche.
L'art conceptuel fait partie de cette seconde catégorie. Je me souviens de cette exposition remontant à ma classe de première, à l'Habitation Clément en Martinique. Cette exposition s'intitulait "Horizons", et révélait de très grandes toiles de couleurs unies surplombées horizontalement de lignes blanches. Horizons. Mon ego d'artiste en herbe en fut tellement offusqué que cette aberration n'eût droit qu'à un TCHIIIP saliveux sans espérer une place dans la mémoire de mon appareil photo.

L'Art conceptuel est clairement une atteinte au beau, une atteinte aux droits esthétiques du regard. On assiste aujourd'hui à une génération de toile plus pensées que peintes, où l'on met en avant une démarche enrobée d'un beau discours, sans qu'il y ait derrière un véritable travail. Quel respect pour les artistes qui ont passé des jours, que dis-je, des mois ou des années à produire une vraie œuvre et hésiter timidement à la révéler au grand public, quand s'expose si facilement ce crachin d'abstraction dans une galerie d'art ? Ce non-sens ne concerne pas uniquement le domaine des arts visuels; quand on entend les états-d ‘âme rythmés de la relève musicale en France en 2016, il y a vraiment de quoi se tirer une balle.
Attention amateurs d'Art, étudiants et boulangères piqués au vif, il s'annonce un moment critique que nous allons tenter de surmonter ensemble. Ceci.

Un beau soir à Paris, lors de La nuit Blanche, évènement qui ouvre au public musées et autres joyeusetés culturelles gratuitement,  je suis tombée sur l'exposition d'un certain Whiteman. Alors que je m'époumonais, un arrière-goût "d'Horizons" dans la bouche, un compatriote d'une grande école de Design (Penninghen, pour ne pas la citer) gonfle son torse pour m'expliquer en quoi la profondeur du vide, la perspective et l'espacement entre ces trois tableaux sont particulièrement redondants. La consternation m'envahit.

Je te vois venir. Certes, c'est facile de juger une œuvre. Car on ne sait pas qui est l'artiste; ce à quoi il pense, ses influences, son regard, s'il se moque de nous ou s'il revendique une altérité dans son œuvre, s'il y a mis du cœur ou s'il s'agit uniquement d'une expérimentation technique hasardeuse qui a su trouvé grâce aux yeux d'un galeriste sous LSD.
Si contempler un Klimt suscite, chez moi, la même sensation qu'un bon bain chaud aux senteurs exotiques, la vue des trois toiles vierges du Pompidou, elle, brûle chaque once d'espoir en l'humanité que j'ai en moi… En l'humanité car cette abomination a quand même fini par se retrouver dans un des plus grands centres d'art de Paris, ce qui laisse entendre que cette abomination contemporaine a été d'abord validée, contemplée, banalisée, puis intériorisée, si bien que tout le monde trouve normal aujourd'hui d'exposer trois tableaux vierges dans un musée d'art moderne. Celui qui ose le remettre en cause est relégué au rang d'inculte, de fermé-d ’esprit, ou d'être intellectuellement limité.

L'Art, c'est la technicité, couplée à l'esthétique. 
L'Art c'est ta mère en larme devant une commode façon Rococo et ton oncle à poil au cours de modèle vivant des beaux-arts.
L'Art, c'est un plan à trois. Entre l'artiste, l'œuvre et le spectateur. S'il y en a un des trois qui se demande ce qu'il fout là, dans cette galerie, sans que personne ne le comprenne, c'est qu'il y a un problème.
Je suis d'accord qu'on ne puisse pas attendre des artistes qu'ils répètent indéfiniment ce qui a été fait par le passé. Je suis d'accord qu'il faille garder une part de mystère dans une œuvre d'art, de façon à ce que le spectateur médite un temps avant d'y déceler un sens, un personnage, une forme - même si entretenir le mystère pour des tableaux comme L'origine du monde est, je le reconnais, fondamentalement voué à l'échec. Je suis d'accord qu'il faille un temps d'expérimentation et de recherches. Mais quel respect avons-nous pour l'héritage pictural des grands Boucher, Renoir ou Mucha quand la tendance contemporaine est de miser sur le concept ?

Et puis, entre nous, quand tu as envie de te perdre dans les méandres de l'expérimentation conceptuelle, tu le fais chez toi, discrètement, dans ta cave, caché dans un coin le plus sombre et reculé, près des rats, en t'assurant par la suite que ces derniers grignotent jusqu'au dernier millimètre de cette folie passagère qui s'est emparé de ton esprit.
J'avais ça à dire.

Dressons nous contre l'innommable laideur, pour que la paix oculaire règne à jamais sur la Terre."

XOXO,